330 millions…
A quelques jours d’intervalle sortaient notre article critique de Waypoint 2050 et le rapport de l’ICCT. Les deux se recoupent sur les constats, moins sur les conclusions.
Autant La Tribune que Capital se font l’écho de ce rapport de l’ICCT qui met la lumière sur les défis de décarbonation de l’industrie aéronautique.
Qu’est-ce qu’un SAF « Sustainable Aviation Fuel » ou « Kérosène Durable » ?
C’est un carburant alternatif au kérosène classique obtenu avec des céréales, des « déchets » verts ou, lorsque ce sera développé, par synthèse de CO2 et d’hydrogène, le tout avec l’aide d’électricité. Ces carburants permettraient un gain sur l’ensemble de leur cycle d’utilisation de 80% d’émissions de CO2 selon les producteurs. Actuellement, les carburants issus de biomasse sont utilisés quasi exclusivement pour le transport routier. Ainsi, les voitures des USA roulent au maïs Brésilien, lui-même responsable d’une partie de la déforestation de l’Amazonie depuis des années. Nos voitures roulant à l’E10 emportent elles aussi des centaines de m² de déforestation, mais ce n’est pas le sujet du présent article, quoi que.
Pour l’aviation, 100 000 tonnes de ces carburants alternatifs étaient produites en 2019. Total Energie prévoit d’en produire 300 000 tonnes par an d’ici 2024-2025 selon Capital. Sachez que l’ATAG, dont font partie Airbus, Safran ou ATR, prévoit dans Waypoint 2050 une consommation entre 330 millions et 450 millions de tonnes par an rien que pour l’aviation. Cela représente une multiplication de la production de 3300 à 4500 en 30 ans.
Qui peut croire une chose aussi peu probable ? Autant de terres seront utilisées pour les seuls besoins de croissance de l’aviation internationale ? Car une des données d’entrée du plan de décarbonation de l’ATAG est de maintenir 3,1% de croissance du trafic aérien chaque année, ce qui nous porterait à 10 milliards de voyageurs en 2050 comme indiqué par La Tribune et Capital qui font ici écho aux entreprises du secteur, comme Airbus qui souhaite ainsi doubler sa production d’avions d’ici 2045.
Dans un monde où la France « crame » dès le mois de juin, les Etats-Unis « crament », l’Inde « crame », le Pakistan « crame » ; où plusieurs pays ont un risque fort de famines liées aux guerres mais aussi aux changements climatiques qui impactent fortement la production agricole mondiale ; où nous avons une sècheresse aggravée dans de nombreuses parties du monde, notamment en Europe et en particulier en France, comment les investisseurs peuvent-ils suivre ces chimères ?
Car oui cela va nécessiter beaucoup d’argent, l’ATAG estime l’investissement à 1450 milliards de dollars sur 28 ans. Qui va payer cette facture qui représente plus de 100% des bénéfices annuels de l’ensemble du trafic aérien en 2018 réinvestis pendant les 28 prochaines années ? L’argent public alors que les hôpitaux ferment ? On en discute peut être ?
Ne serait-il pas plus humble d’investir dans la recherche technique et financière pour, d’une part, trouver des solutions plus viables et, d’autre part, changer les modèles économiques du secteur ? L’on ne peut pas reprocher à une entreprise de vouloir faire de la croissance dans le monde tel qu’il est. Mais alors que ferons nous de nos avions lorsque la France sera en restriction d’eau dès le mois de février ? Lorsque l’aéroport de Marseille se retrouvera sous la Méditerranée ? Aurons-nous vraiment l’envie de voler ?
Un autre avenir est possible pour l’aéronautique internationale, partager le ciel semble être une nécessité pour que tout le monde puisse y avoir accès, mais augmenter le trafic est aujourd’hui une folie suicidaire.
Le collectif PAD
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