La compensation carbone ou l’écoblanchiment du transport aérien

La neutralité carbone est un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et l’absorption par des puits de carbone et se résume pour l’industrie en deux mots : émissions et compensation.

Ainsi les émissions inévitables à la source doivent-elles être compensées par des actions visant à les retirer de l’atmosphère. Dans la vie de tous les jours, la photosynthèse est le processus naturel de fixation du carbone ; les forêts et les océans participent au cycle du carbone. Mais les océans sont aujourd’hui quasiment saturés de CO2 et sont menacés par leur acidification. D’un autre côté les forêts primaires sont dévastées. L’Amazonie, longtemps considérée comme puits de carbone, est aujourd’hui émettrice nette de CO2. En Russie, le permafrost dégèle et libère des quantités considérables de CO2. En Afrique, la déforestation du bassin du Congo n’a jamais été aussi rapide. Comment lutter ? « La reforestation » disent les uns ! Elle représente en effet 61% des projets de compensation mais apparaît déjà comme vouée à l’échec à cause du décalage temporel entre les émissions carbonées immédiates et les décennies nécessaires pour rendre ces nouveaux puits de carbone opérationnels. Qui assure la pérennité de ces arbres ? Les sècheresses à répétition et les méga-feux de plus en plus fréquents remettent en cause le succès de ces plantations ; comment des essences d’arbres à croissance rapide vont elles s’adapter aux zones disponibles ? Qui attribuera les terres nécessaires ? Pourquoi compenser des émissions de français au Brésil ou d’états-Uniens en Ouganda ? Quelles émissions compenser, celles qui nous servent à voler ou celles qui nous servent à nous nourrir ? Que faire du bois une fois mûr ? Que faire une fois toutes les terres disponibles utilisées ?

Cette « solution » inadaptée s’apparente à un droit à polluer.

Certains veulent « gagner du temps en attendant les solutions technologiques», mais pouvons-nous hypothéquer notre avenir sur de telles incertitudes ?

Le Réseau Action Climat publie les résultats d’une étude de la Commission Européenne montrant que le système de compensation carbone inscrit dans CORSIA sera inefficace pour réduire l’impact climatique du secteur aérien. « L’objectif de “croissance neutre en carbone” via l’utilisation du dispositif Corsia est mis en avant par le secteur aérien et notamment Air France, ainsi que par le Ministère de la Transition Écologique, pour justifier des efforts de transition écologique. » L’étude montre cependant que cet objectif est un leurre car « les programmes labellisés comme éligibles pour CORSIA par le Conseil de l’OACI en mars 2020 ne permettront pas de réductions d’émissions réelles et permanentes ».

Aujourd’hui, chaque secteur, voire chaque entreprise, communique sur une neutralité carbone à plus ou moins longue échéance et s’affiche comme s’il pouvait à lui seul résoudre le problème du réchauffement climatique. L’aviation ne fait malheureusement pas exception.

De son côté, Air France a créé une association qui collecte les dons des passagers afin de les investir dans des programmes de reforestation. L’opération a un double but : faire assumer à ses clients le coût de son programme et leur acheter une conscience pour leur permettre de prendre l’avion avec l’esprit tranquille.

Mais qui peut penser que planter trois arbres compensera un aller-retour Paris – Toulouse ? ou 1000 nouveaux passagers à l’aéroport de Montpellier ?

La compensation carbone, sans même parler des effets non CO2, n’est pas une réponse sérieuse à la crise climatique. Elle risque de générer des conflits majeurs pour les droits humains et de menacer la biodiversité tout en laissant penser que le problème est réglé. Seule la réduction réelle et importante des émissions de gaz à effet de serre aura un impact. Selon les scientifiques, la technologie ne suffira pas ; organisons donc une décroissance progressive du trafic aérien car il ne suffira pas de planter des arbres pour prendre l’avion.

Le sommet européen de l’aviation des trois et quatre février sera-t-il la grande fête du greenwashing ou les différents ministres du transport y prendront-ils réellement des mesures efficaces pour que le transport aérien apporte sa juste contribution à la lutte contre le réchauffement climatique ?

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