Nous appelions au boycott de Ryanair il y a quelques semaines pour dénoncer leur attaque du droit de grève en France. Sous prétexte de grosses perturbations dans le ciel européen, Ryanair s’était permis de proposer une réforme du droit de grève français. Le sénat est-il ainsi lié aux intérêts de Ryanair qu’il a traduit en projet de loi les propositions de la compagnie ?
Après le récent changement de régulation sur mesure pour Ryanair à l’aéroport de Beauvais, au détriment de dizaines de milliers d’habitants et du climat, une telle collusion des élus avec l’industrie aéronautique n’est pas acceptable. Alors que l’on demande à la compagnie nationale d’être exemplaire et de faire des efforts pour la transition du secteur, l’on permet le développement exponentiel d’une compagnie low-cost dont le modèle économique a fait bien des dégâts sur les conditions de travail des salariés de l’aéronautique. Ne nous y trompons pas, ce n’est pas le développement des low-cost qui ramènera des candidats motivés dans notre secteur en proie à un déficit de personnel depuis les licenciements opérés pendant la pandémie. Le collectif PAD avaient d’ailleurs alerté en son temps sur les risques d’une telle politique de licenciements, appelant plutôt au maintien des compétences et des savoirs faire pour pouvoir se lancer pleinement dans la transition du secteur. Ne nous y trompons pas non plus, les compagnies low-cost n’ont permis qu’une démocratisation à la marge du trafic aérien. En effet, ces vols bénéficient très majoritairement à des classes sociales aisées déjà très mobiles comme le montre les études sur le sujet.
Après un siècle d’existence, le trafic aérien est à un tournant de son histoire, nombreuses sont les personnes qui parlent du plus grand défis de l’aéronautique. Nous disons que le défis est bien plus grand et planétaire. Comment alors considérer des restrictions drastiques dans le droit de grève ? Les temps incertains qui arrivent vont nécessiter un travail collectif colossal et l’histoire sociale nous montre qu’il est souvent nécessaire de construire un rapport de force afin de maintenir des conditions de travail dignes. En complément des luttes sociales, ces rapports de force vont aussi être nécessaires pour contrer le greenwashing industriel de notre secteur. Greenwashing avec lequel de moins en moins de collègues sont confortables, ce qui est un très bon signal pour les années à venir. Les travaux de l’ISAE Supaéro, de l’ADEME, du Shift Project, de Safe Landing en Angleterre, de Stay Grounded au niveau international, de Greenpeace, d’Alternatiba et de nombreux autres associations et collectifs y sont pour quelque chose. Nous le répétons depuis trois ans maintenant, la transition se fera avec les salariés et non contre eux.
Dans notre rapport en 2021 nous appelions à rendre plus de pouvoir de décision aux salariés dans les entreprises. Deux ans plus tard il est plus que temps d’appliquer ces recommandations. Les salariés de l’aéronautique, comme des autres secteurs, sont les plus qualifiés pour connaitre les leviers possibles dans leur corps de métier. Pour les mettre en œuvre, ils ont besoin de reprendre les rennes de leur entreprise. Il y a fort à parier que les salariés d’Airbus ne voteraient pas une augmentation des cadences si la décision leur revenait. En pleine urgence climatique, nos collègues pourraient décider une baisse générale du temps de travail tout en réorientant une partie de la production vers la transition écologique et sociale. Plutôt que de chercher des financements du fond vert climat pour continuer à produire des avions polluant à coup de lobbying agressif, ils proposeraient d’utiliser ces fonds pour transformer le système productif et le mettre en adéquation avec l’accord de Paris.
Nous appelons donc les sénateurs et parlementaires à voter contre cette proposition de loi anachronique. A toutes fins utiles nous vous proposons de contacter vos députés et sénateurs respectifs pour faire entendre votre avis. La séance publique aura lieue le 15 juin prochain.
Le collectif PAD
Le syndicat de pilotes Alter