En 2020 des scientifiques nous ont appelé à nous réveiller en nous ouvrant les yeux sur les impacts de notre secteur sur le climat. Nous avons été quelques-uns à nous réveiller. Que s’est-il passé depuis quatre ans ?
L’environnement est devenu un sujet incontournable dans notre secteur comme dans beaucoup d’autres. Pour le secteur aéronautique, si 2020 a été une année de fébrilité qui a permis à d’autres discours d’émerger, très vite le « top management » a repris le dessus. Secondé et supporté par la quasi-totalité des dirigeants d’entreprises et des syndicats du secteur.
Quelles réponses les entreprises et les syndicats ont-ils donné aux salariés en dissonances cognitives ? Quelles réponses ont-ils donné aux salariés en dépression ? Quelles réponses ont-ils donné aux appels à se diversifier, à réduire la production et le temps de travail tout en améliorant les conditions de travail ? Nous avons été nombreuses et nombreux à parler dans le désert. « L’aéronautique, tu l’aimes ou tu la quittes », « il ne faut pas scier la branche sur laquelle nous sommes assis », « croître est nécessaire pour notre secteur », « si l’on t’accorde ton temps partiel tout le monde voudra faire comme toi, on ne peut pas se le permettre », « il faut augmenter les cadences de production pour rester les leaders mondiaux », … Voilà une partie des réponses, des fins de non-recevoir aux propositions radicales de changement nécessaires à l’avènement d’une aéronautique soutenable.
A l’heure de la COP29, nous étions en droit d’attendre mieux de nos syndicats qu’une pétition « pour continuer à pouvoir prendre l’avion » et un appel à la grève contre une aussi faible hausse du prix des billets d’avion. Car 30€ de plus pour aller à New York, est-ce vraiment ce qui va gêner ? Aucunement. Ce qui gêne est la régulation d’un secteur qui pense encore pouvoir évoluer à part, sans intervention extérieure, sans limitation. « Ne vous inquiétez pas, nous allons nous décarboner », « nous prenons l’engagement d’être neutre en 2050 », etc., etc. En attendant, le kérosène est toujours détaxé et l’agence internationale de l’énergie reconnait elle-même que les technologies de décarbonation ne sont pas matures, et que la biomasse tout comme l’électricité bas carbone disponibles manqueront pour produire suffisamment de carburants bas carbone (SAF).
Les émissions n’ont jamais été aussi élevées cette année avec un trafic supérieur de près de 10% par rapport au dernier record de 2019. Si cela fait 4 ans que votre bailleur vous promet qu’il va réparer la chaudière, allez-vous le croire une année de plus ? 4,7 trillions de dollars ont été évalués par le secteur pour se décarboner. Est-ce l’augmentation des taxes qui va le plus peser sur le secteur et ses emplois ? A le faire croire, le « top management » est irresponsable. Les syndicats devraient être là pour critiquer la stratégie de croissance éternelle qui nous est imposée et nous mène droit dans le mur. Pourquoi un tel soutien alors qu’il s’agit de préserver autant que possible nos conditions de vie sur Terre ?
Barcelone va-t-elle reconsidérer l’extension de son aéroport après les sècheresses à répétition et les récentes inondations dans la région ? Et la France va-t-elle reconsidérer ses dix projets d’extension ? Quand allons-nous réguler Airbus, ADP, Safran, Thales et leurs sous-traitants pour nous engager pleinement dans un changement radical de développement ?
Quand allons-nous cesser d’entretenir le feu qui nous consume ? Car non, nous ne regardons pas ailleurs, nous alimentons délibérément le feu chaque jour qui passe alors que nous avons des extincteurs.
Combien de morts faudra-t-il encore pour commencer à les utiliser ?
Des salarié·es de l’aéronautique membres du collectif PAD
Pour tout contact : Par email pensonsaerodemain@proton.me ou Romain Morizot via Signal : +33 6 37 80 70 05