Souvenez-vous en octobre dernier nous vous informions que l’option environnement d’Air France était trompeuse. Malgré notre demande via Signal Conso, Air France nous avait une première fois renvoyés dans nos 22. Il aura fallu lancer une pétition, prévenir la presse et enfin passer au 20 heures de France 2 pour être reçus et considérés. Nous pouvons dire que Vincent Etchebehere, responsable Développement durable d’Air France, a pris ses responsabilités car il a été très clair en reconnaissant qu’effectivement l’option d’Air France n’était pas correcte et était erronée.
Pour rappel, via l’option environnement vous pouviez en un clic annuler les émissions de votre vol comme vous pouvez le voir dans l’infographie ci-dessous :
Par de la reforestation ou des carburants alternatifs vous pouviez “absorber” ou “réduire” vos émissions de CO2. Cela aurait été fabuleux si ce n’avait pas été complètement faux !
Ainsi après notre interpellation, soutenue par plus de 7000 personnes via la pétition et relayée par quelques médias, Air France a reconnu son erreur et désactivé immédiatement son option et annoncé sa refonte. Nous étions contents de nous car, une fois n’est pas coutume, nous avions le sentiment d’avoir été entendus et notre travail reconnu.
La nouvelle option refondue est disponible depuis le début d’année 2023. Elle est de loin plus acceptable mais reste problématique. La suite de cet article s’attachera à en souligner les limites et à soulever de nouvelles questions.
La nouvelle option
L’option apparaît toujours entre les autres options habituellement proposées aux passagers. Rien à redire ici.
Une fois que l’on clique, ça commence à être moins sympathique. L’image de fond nous renvoie un imaginaire de nature, en décalage avec l’idée même de voler qui implique de brûler des tonnes de kérosène, continuons.
Une bonne chose : on entre dans le vif du sujet dès le début, les émissions de CO2 par passager estimées pour le voyage (ici un Paris-New York aller et retour). Nous sommes tatillons, nous avons comparé avec le calculateur de l’ADEME, résultat 1770 Kg CO2 équivalent: presque le double! L’ADEME prend en compte les effets non-CO2 qui doublent à minima les effets du seul CO2, il est donc normal d’avoir une large différence.
Contrairement à ce que écrit Air France sur les incertitudes, il est aujourd’hui clair que les effets hors- CO2 sont au moins du même ordre de grandeur que ceux du CO2 seul. Aussi, il est cocasse d’écrire qu’il est “difficile de mesurer avec précision l’impact” puis que l’on serait capable de “limiter significativement ces effets hors CO2” dans le même paragraphe.Air France connaît bien les effets non CO2 et en parle dans Air France Act :
C’est donc un choix délibéré d’avoir pris uniquement le CO2 pour référence ici, surtout lorsque l’on parle des effets hors CO2 dès le premier paragraphe. Cela donne un effet étrange laissant penser que les 980 kg de CO2 prennent tout en compte.
On continue :
Il est très bien de constater que la compagnie Air France communique sur les 1% obligatoires et indique que l’action de l’option sera additionnelle. En effet, il ne s’agit pas de payer pour ce qui est déjà intégré.
Vient l’heure des choix :
Un léger souci de cohérence ici, car on retrouve les 980 kg de CO2 alors que l’on est censé agir pour les “futurs vols” d’Air France, pourquoi ce lien persistant avec le vol que l’on s’apprête à prendre ? Pourquoi ne pas simplement parler de litres de SAF incorporés dans les futurs vols ?
Il serait donc intéressant de bien préciser que cette option n’a pas d’effet pour le vol que l’on s’apprête à prendre. Ici l’on propose à quelqu’un qui va boire une bouteille de vin d’être sobre demain. Être sobre demain n’empêchera pas d’être saoul aujourd’hui. Pourquoi pas une mention sur le modèle de la loi Evin : “Prendre l’avion est dangereux pour l’avenir, à prendre avec modération”.
Si le phrasé des différentes options est correct, car il s’inscrit pour les futurs vols, l’infographie reste problématique. Pourquoi ? Parce qu’elle laisse penser que nous couvrons tous les problèmes avec l’option 3 à droite. En effet les 3 feuilles sont complètes, l’option est chère, donc on pourrait penser que l’on fait tout ce que l’on peut. Or, il manque ici les effets hors-CO2. Pour être honnête, cette infographie de droite devrait rester à moitié vide. Il nous semble aussi important de rappeler que même avec 100% de SAF dans les réservoirs, les émissions du vol seront loin d’être nulles. Les études des producteurs annoncent entre 75 et 80 % de gain pour le CO2 et 50 à 70% de gain pour les effets non-CO2. Ainsi, au global nous pouvons donc nous attendre à une diminution de 62,5% à 75 % si les études indépendantes confirment ces données et si les SAF deviennent tout simplement disponibles en restant durables. Les plans actuels misent sur une incorporation minimale de 1% aujourd’hui, 5 à 6% en 2030 puis jusqu’à 65% en 2050. Cette infographie devrait donc rester incomplète pendant encore très longtemps.
De plus, nous demandons à Air France quel est l’organisme indépendant qui assurera la bonne affectation des fonds ?
Notons bien également que la compagnie ne propose plus de reforestation dans le parcours d’achat du billet d’avion, reconnaissant une bonne fois que cela n’a pas de sens.
Un effet rebond ?
Il nous semble clair que cette nouvelle option a un effet rebond. Si l’on y regarde à deux fois:
- je vais prendre un vol qui va émettre 1000 kg de CO2 (pour simplifier les calculs), soit donc à minima 2000 kg de CO2 équivalent.
- Si j’achète l’option la plus chère, je vais permettre à une autre personne de prendre l’avion avec des SAF du futur pour réduire de 1000 kg les émissions de CO2 de son vol. Au total, en comptant tous les effets réchauffant des deux vols, nous avons des émissions globales entre 2300 et 2500 kg de CO2 équivalent
- Ainsi l’option environnement fait augmenter les émissions globales…
Air France… et les autres
La nouvelle option d’Air France est subtile et assez professionnelle pour laisser penser que tout est sous contrôle et que vous pouvez continuer à prendre l’avion sans restriction. Or, cela cache les engagements finalement très limités de la compagnie sur ses émissions globales. En effet, l’engagement d’Air France est de réduire de 12,5% ses émissions de CO2 globales d’ici 2030. Si vous aviez à vous souvenir d’un chiffre, retenez celui-ci. Ce sont les émissions globales qui sont importantes à faire baisser car vous pouvez avoir tous les carburant alternatifs que vous voulez, si vous augmentez largement votre trafic alors vos émissions globales vont augmenter.
Comment Air France a-t-elle décidé que diminuer de 12,5% ses émissions globales d’ici 2030 était suffisant alors que les scientifiques nous appelaient à les réduire de 7 à 8% par an dès 2018 ? Certains diront que 12,5% c’est déjà beaucoup et mieux que d’autres, nous répondront inlassablement que ce n’est pas suffisant.
Restez vigilants !